Le gouvernement tunisien n'entretient aucune perspective de modification du statut de la Banque Centrale du pays, ni d'entrave à l'indépendance de cet institut émetteur. C'est ce qu'a fermement déclaré à Bloomberg, Samir Saied, le Ministre de l'Économie et de la Planification.
S'exprimant auprès du média américain lors de sa participation à un congrès en Égypte, Saied a réfuté les rumeurs concernant une diminution des prérogatives de la Banque Centrale, les qualifiant d'infondées. Il a affirmé sans ambages que "l'indépendance de la Banque Centrale demeurera inchangée, sans aucune altération."
Ces propos interviennent dans un contexte où Riadh Jaidane, le vice-président de l’ARP, a révélé que le projet de révision de l’indépendance de la BCT figurait parmi les lois soumises par le gouvernement. Le député a évoqué "un consensus sur la nécessité de revoir les lois réglementaires de la Banque Centrale, et particulièrement la question de l'indépendance, un sujet éminemment sensible".
Ces affirmations ont été réfutées quelques heures plus tard par Brahim Bouderbala, le président de l’ARP.
Cependant, les déclarations de Samir Saied ne garantissent pas nécessairement que l’indépendance de la BCT sera préservée. La situation peut pivoter sur une simple requête du président de la République.
En parallèle à la controverse suscitée par les propos de Jaidane, Kais Saied a souligné “l'importance de la coordination entre les différents organes de l'État", lors d'une réunion avec la cheffe du gouvernement, Najla Bouden. "La Tunisie est un État unique et unifié, disposant d'une seule politique à laquelle tous doivent se conformer”, a-t-il ajouté.
Cette remarque peut, ou non, alluder à la question de l’indépendance de la Banque centrale. Cette problématique n'a toutefois pas été abordée lors de la réunion qui s'est tenue mercredi, entre le président de la République et Marouen Abassi, le gouverneur de la Banque Centrale, du moins, selon le communiqué publié par la Présidence de la République.
Qu'entend-on par “indépendance de la banque centrale” ?
L’indépendance de la Banque centrale de Tunisie a constitué une condition sine qua non lors des négociations d'un accord d'une valeur de 2.9 milliards de dollars favorisant la Tunisie, orchestrées par le Fonds Monétaire International.
Le statut de la BCT a donc été révisé en 2016 pour lui conférer une pleine indépendance.
L'indépendance de la banque centrale est un concept stipulant que cet institut doit exercer ses fonctions libéré de toute influence politique. Ceci implique sa capacité de prendre des décisions relatives à la politique monétaire sans interférence du gouvernement ou d'autres entités politiques.
La banque centrale doit détenir le pouvoir légal de prendre des décisions sans nécessiter l'aval du gouvernement ou d'autres acteurs politiques. Elle doit jouir de la liberté de sélectionner les outils et méthodes pour réaliser ses objectifs de politique monétaire. Par exemple, elle doit être libre de fixer les taux d'intérêt ou de réguler la masse monétaire sans contrainte politique.
L'objectif premier de l'indépendance de la banque centrale est de maintenir la stabilité des prix et de contrer l'inflation. L'idée est que les décisions de politique monétaire doivent être prises en fonction des nécessités économiques à long terme, plutôt que des considérations politiques à court terme.
Par exemple, une banque centrale indépendante peut choisir de hausser les taux d'intérêt pour contenir l'inflation, même si cette décision peut être politiquement impopulaire. De même, elle peut décider de maintenir des taux d'intérêt bas pour stimuler l'économie, même si cela peut engendrer une inflation à court terme.
Néanmoins, l'indépendance de la banque centrale n'est pas sans limites. Effectivement, une banque centrale trop indépendante peut être perçue comme déconnectée des réalités économiques et sociales du pays. Par ailleurs, une banque centrale trop autonome peut prendre des décisions qui sont en décalage avec les objectifs économiques à long terme du gouvernement.
D'autre part, l'indépendance de la banque centrale peut poser des problèmes en termes de responsabilité démocratique. En effet, les dirigeants de la banque centrale, non élus, ne sont pas directement redevables devant les citoyens. Ceci peut soulever des problèmes en termes de transparence et de contrôle démocratique.