Une étude récente réalisée par l’ITCEQ et l’AFD, met en évidence l'impact alarmant des changements climatiques sur le secteur agricole tunisien. Selon cette étude, les principales cultures du pays pourraient subir des pertes substantielles si des mesures immédiates ne sont pas prises pour atténuer ces effets dévastateurs.
Parmi les cultures les plus touchées, l'orge et le blé tendre connaîtront une diminution annuelle respective de 0,9% et 0,2% de leur production d'ici à 2050. Le blé dur, quant à lui, ne connaîtra qu'une augmentation modeste de 0,1% sur la période 2022-2050. Ces chiffres mettent en lumière la vulnérabilité de la production céréalière tunisienne aux conditions climatiques changeantes.
Les produits d'exportation phares de la Tunisie, les dattes et les olives, ne seront pas épargnés. La production de dattes devrait chuter de 2% par an jusqu'en 2050, tandis que celle des olives diminuera de 0,5%. Ces baisses sont attribuées à l'augmentation de la salinité des eaux souterraines dans le sud du pays pour les dattes, ainsi qu'à la diminution des précipitations et à l'augmentation des températures pour les olives.
Le secteur de l'élevage, notamment le bétail, les chèvres et les moutons, sera également touché par des pertes en raison de la dégradation des pâturages et de l'augmentation des pertes de fourrage. Cette situation entraînera une baisse de la production laitière d'ici 2050, et la croissance de la production de volaille ralentira considérablement, n'atteignant que 0,2%, tout comme la production d'œufs.
De plus, des changements structurels sont attendus dans les ressources halieutiques, avec une augmentation des espèces thermophiles et exotiques, et simultanément, une diminution des espèces à affinité froide actuelles. Ainsi, la production de poisson devrait demeurer stable, atteignant la valeur de 2021.
En résumé, le secteur de la production agricole totale en Tunisie connaîtra une baisse moyenne de 0,5% par an si aucune mesure n'est prise pour inverser les effets du réchauffement climatique. Les conséquences de cette diminution de la production agricole sont préoccupantes pour l'économie tunisienne, d'autant plus si les prix mondiaux des denrées alimentaires augmentent rapidement au cours des trois prochaines décennies.
Les conséquences de la non-action
Le taux de chômage dépassera les 17% à long terme, avec une augmentation des importations de produits alimentaires et transformés atteignant des niveaux à deux chiffres. Le déficit commercial explosera, dépassant les 13%, en raison de l'importation élevée de produits alimentaires. De même, le déficit du compte courant suivra une trajectoire insoutenable, le pays courant le risque d'une crise monétaire imminente avec l'épuisement des réserves de change.
Les niveaux de déficit public indiquent une possibilité croissante de défaut sur la dette publique avec un ratio de la dette par rapport au PIB dépasse 140% à long terme, sans signe de stabilisation. Le revenu par habitant, mesuré en euros de 2017, ne connaît qu'une croissance minimale jusqu'en 2050, se maintenant autour de 3 000 euros.
Un futur brillant reste possible — à condition d’agir
Cependant, avec des investissements d'adaptation publics et privés atteignant 1,1% du PIB, les projections laissent entrevoir un futur nettement plus brillant.
La simulation réalisée dans le cadre de cette étude suppose un investissement public avec une forte propension à l'importation de 60%, notamment dans la construction de stations de désalinisation et de stations de traitement des eaux usées, dont certaines seront alimentées par l'énergie solaire. Il est également prévu que l'investissement public d'adaptation sera financé par des prêts en devises à un taux fixe de 1,7%, le même taux d'intérêt que celui du prêt pour la station de désalinisation de Sfax actuellement en construction.
Dans ce scénario, l'augmentation progressive de la productivité du travail, soutenue par l'investissement public, et la croissance rapide de la production agricole ont des effets positifs importants sur la dynamique macroéconomique, malgré le niveau élevé de l'investissement d'adaptation et la forte propension à l'importation.
Ainsi, le chômage diminue régulièrement pour atteindre 6% d'ici 2050, et l'inflation générale des prix à la consommation est ramenée à environ 4%. De même, l'inflation des prix des produits transformés reste légèrement supérieure à l'inflation générale, tandis que l'inflation des produits agricoles est inférieure à la base tout au long de la période de simulation.
La croissance économique fluctue initialement, tirée par la croissance des exportations, pour se stabiliser à 4,2%. Les exportations augmentent considérablement grâce à la forte croissance de la productivité, et les importations de biens intermédiaires et de biens d'équipement diminuent progressivement, améliorant la balance commerciale à environ 7% du PIB. Le compte des revenus s'améliore également légèrement, ce qui entraîne un déficit du compte courant légèrement inférieur à 7% à long terme.
Après une légère baisse au cours de la première décennie, les réserves de change en tant que part des importations suivent une trajectoire ascendante vers des niveaux durables à long terme. Malgré l'augmentation des prêts en devises pour financer l'investissement d'adaptation, le ratio total de la dette en devises par rapport au PIB suit une trajectoire descendante après une augmentation initiale, passant sous les 60% à long terme, réduisant ainsi le risque pays et les taux d'intérêt sur les emprunts publics en devises étrangères, et éliminant l'accumulation insoutenable de la dette étrangère.
Les recettes fiscales élevées et le faible taux de chômage entraînent une diminution constante du déficit du secteur public, le portant à 3,5%, et du ratio de la dette publique par rapport au PIB à 70% à long terme. Le revenu par habitant, mesuré en euros de 2017, augmente rapidement pour atteindre 9 000 euros d'ici 2050, car les importations alimentaires chutent en dessous de 2% du PIB, rapprochant ainsi la Tunisie de la sécurité alimentaire totale.