Dans le monde de l'investissement, il est essentiel de reconnaître que les convictions personnelles et les aspirations financières ne sont pas mutuellement exclusives. Bien au contraire, elles peuvent coexister en parfaite harmonie, permettant à l'investisseur de rester fidèle à ses principes tout en atteignant ses objectifs financiers.
Toutefois, la voie vers cette harmonie n'est pas toujours aisée. Prenons, par exemple, le cas des fonds islamiques, ces véhicules d'investissement élaborés en respectant les préceptes de la finance islamique. En Tunisie, ces fonds ont vu le jour en 2010, créant ainsi un espace d'investissement inédit pour ceux qui cherchent des options en accord avec leurs valeurs religieuses.
Malgré une présence de plus d'une décennie, le panorama des fonds islamiques en Tunisie reste relativement modeste. Sur les quelque 120 fonds d'investissement disponibles sur le marché, seuls trois se conforment à la Charia, chacun gérant un actif inférieur à un million de dinars.
Un marché à développer
Les trois fonds d'investissement qui adhèrent aux principes islamiques dans leurs stratégies d'investissement sont le FCP Valeurs Al Kaouther, créé en septembre 2010 par Tunisie Valeurs, le Mac Al Houda FCP, lancé un mois plus tard par Mac SA, et enfin, l'UGFS Islamic Fund, introduit en 2014 par UGFS-NA.
Il est à noter que ces fonds sont de taille assez modeste, avec des actifs sous gestion de moins d'un million de dinars, et même en dessous de 100 000 dinars dans le cas du FCP géré par l'UGFS.
Une approche d'investissement sélective
Le portefeuille de ces fonds est majoritairement composé d'actions. Les gestionnaires de ces fonds mettent en œuvre un processus de screening, ou de filtrage, des entreprises qu'ils intègrent à leur portefeuille. Ainsi, deux filtres sont appliqués. Le premier élimine les entreprises impliquées dans des activités bancaires conventionnelles, d'assurance ou de leasing, et celles liées à la vente d'alcool, de tabac, de viande de porc ou tout autre produit interdit par l'islam.
Le second filtre, d'ordre financier, sélectionne les entreprises qui respectent certains critères et ratios financiers spécifiques à chaque fonds. Par exemple, le Mac Al Houda FCP exige un ratio d'investissements à revenus fixes rapportés à la capitalisation boursière qui ne dépasse pas 30%.
De plus, chaque fonds dispose d'un comité de conformité charaïque qui détermine le type ou la proportion de valeurs mobilières autorisées dans le portefeuille.
Ces fonds sont principalement destinés aux investisseurs prêts à accepter un risque élevé, étant donné que la proportion d'actions doit toujours représenter plus de 50% de l'actif. L'UGFS Islamic Fund pousse encore plus loin cette exigence, avec un seuil d'actions représentant 98% de l'actif.
Pour équilibrer leurs comptes, les gestionnaires recourent à divers instruments financiers conformes à la charia. Pour les placements monétaires, par exemple, ils optent pour des contrats de type moudharaba. En ce qui concerne la dette, ils privilégient les emprunts obligataires qui respectent les préceptes de l'islam, comme ceux émis par Wifak Bank.
Zakat et frais de purification
En plus des frais de gestion habituels, les trois fonds conformes à la Charia ont la possibilité d'effectuer des prélèvements supplémentaires. Ceux-ci servent à "purifier" les revenus lorsque, par exemple, une ou plusieurs entreprises du portefeuille ne respectent pas un ou plusieurs critères du filtre financier. Le montant de ce prélèvement est déterminé par le comité de conformité charaïque, bien qu'il soit plafonné à 5% des plus-values réalisées dans le cas du FCP Al Kaouthar.
Les fonds ainsi collectés sont redistribués au bénéfice d'organisations à vocation caritative.
En ce qui concerne la zakat, elle incombe aux porteurs de parts de s’en acquitter.