Dans un conseil ministériel restreint tenu hier au palais de Carthage, le président de la République, Kais Saied, a abordé plusieurs questions cruciales liées au secteur bancaire tunisien. Accompagné du chef du gouvernement et de certains ministres, dont Sihem Nemsia, ministre des finances, cette réunion a été l'occasion de discuter de projets de décrets importants et de mettre en lumière les préoccupations majeures.
L'une des principales annonces faites par le président Saied concerne un projet de loi relatif aux banques et aux établissements financiers. Bien que le statut précis de ce projet ne soit pas encore clair, Saied a souligné son importance en déclarant que ce texte "concerne les banques, aussi bien publiques que privées". Cette déclaration suggère que des réformes majeures dans le secteur bancaire pourraient être à l'ordre du jour.
Le président Saied a critiqué vivement la complexité des procédures d'accès au financement pour les citoyens. “Une ordonnance médicale est plus simple à décrypter qu’un contrat de crédit”, a-t-il déploré. Il a souligné que les banques exigent souvent plusieurs garanties pour accorder un prêt immobilier, notamment la domiciliation du salaire, l'hypothèque du bien, une traite détaillant la dette et la souscription à une assurance vie.
"Mon salaire est domicilié jusqu'à ce jour", a-t-il affirmé.
La multiplication des commissions bancaires et le manque de transparence concernant leurs coûts ont également été abordés par le président. Il a révélé que certaines études de dossier facturaient jusqu'à 50 dinars pour une demi-page, suscitant des inquiétudes quant aux charges financières excessives imposées aux emprunteurs.
Kais Saied a également évoqué le non-respect de la loi bancaire de 2016, malgré son caractère "sur-mesure". Il a appelé à un changement radical dans le rôle des banques de l'habitat et agricoles, soulignant l'importance du l'État sur le plan social.
“Nous n’allons pas céder la BTK”
La lutte contre la corruption dans les banques publiques a également été au cœur des discussions. Le président a mentionné le dossier de la BTK, dans laquelle l'État tunisien détient une participation de 20%. En 2021, cette banque a été acquise par le groupe Elloumi, qui a acheté les 60% détenus par le groupe français BPCE pour un euro symbolique.
Toutefois, le groupe Elloumi avait exprimé son intention d'acquérir la totalité du capital restant de la BTK, y compris les 40% détenus par l'État tunisien et le fonds souverain koweïtien. Le président Saied a mis en garde contre toute tentative visant à pousser la faillite de cette banque pour forcer l'État à céder sa participation, insistant sur le fait que "la Tunisie n'est pas à vendre".
En 2020, la BTK avait enregistré une perte de 32,225 millions de dinars, portant ses résultats reportés à -192,480 millions de dinars. Ses fonds propres étaient tombés à seulement 69,432 millions de dinars, ce qui avait nécessité une recapitalisation de 100 millions de dinars par Elloumi, qui n'avait pas pu se concrétiser en raison de la présence des États tunisien et koweïtien dans le capital.
Du point de vue prudentiel, la situation de la BTK est également préoccupante, avec des ratios de solvabilité et de Tier 1 en deçà des seuils réglementaires. Le ratio de solvabilité était de 5,62% (contre un minimum réglementaire de 10%) fin 2020, tandis que le ratio Tier 1 était de 3,55% (le minimum étant de 7%). En revanche, le ratio de liquidité était de 171,4%, dépassant le seuil réglementaire de 100%, et le ratio de transformation (Crédits/Dépôts) s'élevait à 122,03% (un maximum de 120% étant exigé).
Le discours du président Saied lors de ce conseil ministériel suggère une volonté de réformer en profondeur le secteur bancaire tunisien pour le rendre plus accessible et transparent tout en luttant contre la corruption. Reste à voir comment ces intentions se concrétiseront dans les mois à venir.